Le silure, un nuisible qui bouleverse les milieux !
De nos jours, il est difficile de passer à côté du silure glane (silurus glanis). En effet, vous êtes pêcheur, vous l’avez sûrement déjà eu au bout de votre ligne. Vous ne pêchez pas, mais vous avez sans doute lu des histoires terrifiantes le concernant. Pourquoi le silure est-il au coeur des débats ? Pourquoi fait-il couler beaucoup d’encre ? Pour quelles raisons un bon nombre de personnes (pêcheurs ou non) veulent l’éliminer ? Je vous propose d’éclaircir le débat en nous questionnant sur le sujet, études et sondage à l’appui.
Pouvant atteindre 2 mètres sans problème, et dépasser la barre des 100 kilogrammes, le silure est le plus gros carnassier de France, mais également de toute l’Europe. Le record de France est à ce jour un silure de 2 mètres 75 pris sur le Tarn en 2017.
L’introduction en France de ce carnassier est assez floue. On pense qu’il aurait été introduit dans la pisciculture de Huningue en 1857. Pour ensuite être introduit en petite quantité dans le Doubs vers 1890. Il a également été introduit dans la Sâne Morte en 1968 et a colonisé peu à peu les bassins aux alentours grâce aux canaux de navigation. Mais c’est par le biais de l’Homme que le silure a pu se répandre aussi vite. Des introductions volontaires ont été menées sur différents fleuves français. Ainsi, en 1975 dans le bassin de la Loire, en 1976 dans la Seine, en 1983 dans le Tarn, ou en 1989 dans la Garonne, les premiers silures glanes ont pu être observés.
Depuis des dizaines d’années, le silure est au coeur de débats. Il se voit disputer la place de nuisible ou non nuisible. Sa morphologie impressionnante, son statut de carnassier mais également le manque de connaissances que l’on possédait à l’époque lui ont causé beaucoup de tort !
Ce que l’on pense sur le silure
De nos jours, prononcer le mot silure c’est entrer dans un débat sans fin avec des échanges quelques fois pimentés. Mais nous ne sommes pas là pour ça ! J’ai décidé que publier un sondage sur un groupe de pêche pouvait rendre le sujet plus intéressant avec une approche plus ludique. Partir de l’avis d’un internaute pour ensuite le soutenir ou le démontrer avec des études scientifiques.
Le silure, c’est une espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques, autrement dit il doit être considéré comme une espèce nuisible ! Voici le sentiment de 22,4 % des pêcheurs après un sondage regroupant plus de 720 votes sur le groupe Facebook : peche aux leurres. Un bilan différent puisqu’un ancien sondage partagé par la Fédération de pêche de l’Indre avait mis en lumière que 35 % des votants qualifiaient le silure comme une espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques. Aujourd’hui c’est 12,6 % de moins !
Quelques commentaires pour justifier son choix
De nombreux commentaires ont été posté sous ce sondage expliquant les raisons de leur choix. En voici une petite sélection :
“S’il est présent c’est qu’une niche écologique était disponible pour lui…. La faute au déclin d autre carnassiers du a notre gestion des eaux…” un internaute.
“Il deviendra nuisible bien sûr. Il bouffe tout, même les canards. C’est une catastrophe écologique il n’a rien à faire dans nos eaux” un internaute.
“Il a toute sa place. Nos grand-père ont considéré le brochet comme nuisible et maintenant notre génération commence tout juste à retrouver le plaisir de pêcher ce poisson roi” un internaute
“Pour moi les pêcheurs professionnels font plus de casses que le silure ainsi que la pollution” un internaute.
“J’ai voté la raison du “bouleversement” mais je ne le considère pas entièrement comme un nuisible… Il a sa place mais ça dépend de la rivière” un internaute.
“J’ai longtemps pêché un petit bassin de récupération derrière une passe à poissons, j’ai toujours fait des bass et des perches. Mais l’an dernier quedal, pas un seul fish même en insistant jour après jour… Jusqu’au moment où un gros moustachu d’au moins 1m70 est venu taper sur mon crank, j’crois pas en la coïncidence pour le coup” un internaute.
“C’est grâce aux silures que nos eaux sont de plus en plus propres” un internaute.
“Sujet ultra sensible…Tout dépend du milieu où il évolue . Il a sa place. Mais dans certaines conditions il va prélever des sandres, perches, brochets, carpes, anguilles etc.” un internaute.
Ce que l’on peut en tirer
Avec plus de 150 commentaires sous le sondage, ce que l’on remarque, c’est que les opinions sont multiples, diversifiées et surtout nuancées. Dans la plupart des cas, le silure est perçu comme un prédateur lambda sans spécialement nuire à la survie d’autres espèces. L’idée que le silure doit être éliminé et qualifié d’espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques revient rarement, mais revient tout de même. Les réponses nuancées sont également très nombreuses. L’importance de la prédation du silure peut être différente en fonction du milieu où on l’introduit. En effet, sur des petits milieux (rivière classée première catégorie, petits étangs), l’impact du silure serait plus important que sur des lacs importants ainsi que les grands fleuves. Analysons cela en détail.
Ce que les études mettent en lumière
Au centre de débats et de polémiques, des études étaient nécessaires pour mesurer l’impact du silure dans nos eaux françaises. De ce fait, plusieurs études ont été menées, j’en retiendrai deux pour appuyer mes propos :
- Etude du Silure sur la Dordogne par l’EPIDOR (Etablissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne).
- Thèse de Mathieu Guillaume pour l’obtention du grade de Docteur Vétérinaire / Université Paul Sabatier de Toulouse.
Deux études très sérieuses, sur des fleuves importants qui sont la Garonne et La Dordogne. Menées sur plusieurs mois, elles ont pour but un avis objectif sur cette nouvelle espèce, souvent considérée comme bouc-émissaire et responsable du déclin de la ressource halieutique.
Colonisation rapide des cours d’eau et expansion de l’espèce
Depuis une trentaine d’années, le silure a colonisé la plupart des fleuves et grands lacs français. C’est avant tout, il faut bien le dire, grâce à l’Homme que le silure a pu accéder à la majorité des fleuves et lacs français comme le Lac du Salagou. Mais comment expliquer une colonisation aussi rapide des milieux ainsi que l’explosion du nombre de silures depuis ces dernières années ?
Un poisson rustique
Le silure est un carnassier rustique. Ce qui explique une facilité d’adaptation à la plupart des milieux dans lequel il est introduit. Autrement dit, c’est une espèce euryèce. Le silure présente une grande résistance à l’hypoxie (jusqu’à 1,5 mg 0²/L) ce qui explique sa présence dans des étangs ou lac dépourvus d’arrivées ou de sorties d’eau. Il peut évoluer dans des eaux dont la température est comprise entre 3 et 30 degrés. Mais pour correctement se développer, il préférera une eau entre 25 et 28 degrés. Ce que l’on remarque, c’est que les eaux des lacs et fleuves français sont comprises dans cette tranche de température. Le silure, à votre plus grande surprise, peut évoluer dans des eaux saumâtres jusqu’à une salinité de 10 g/L !
Les eaux françaises répondant à ces critères, le silure a pu se développer correctement, notamment dans le sud de la France, comme le Tarn ou l’Hérault. De plus, le réchauffement climatique que l’on constate de nos jours ne pourra qu’accélérer la colonisation d’autres milieux par les silures. En effet, il aura pour conséquence un réchauffement des eaux qui permettra au silure la colonisation des eaux du nord.
Une niche écologique disponible
Reprenons le commentaire d’un internaute : “S’il est présent c’est qu’une niche écologique était disponible pour lui…. La faute au déclin d’autres carnassiers dû à notre gestion des eaux…”. Ainsi, il pourrait cohabiter avec les autres espèces de poissons sans avoir de concurrence réelle et directe. Analysons ensemble un tableau issu de l’étude faite par Mathieu guillaume pour mettre en lumière ou non la présence d’une niche écologique disponible pour le silure.
Résultats :
Ce tableau met en lumière les principales caractéristiques de la niche écologique du silure et d’autres carnassiers. Ce que l’on constate dans un premier temps, c’est que l’accès aux zones de frai ne posera pas problème. En effet, on s’aperçoit que les températures pour enclencher la reproduction sont différentes chez toutes les espèces. De plus, les zones de frai sont différentes pour la plupart de ces espèces. En guise d’exemple, le silure appréciera les bordures dotées de végétaux pour que les oeufs s’y fixent alors que le brochet lui, se reproduira dans des zones humides, de type prairies inondables où l’eau sera fraîche et présente minimum 60 jours.
Bien que la taille et le type de proies sont similaires chez le silure et le brochet, les zones de chasse sont différentes. Le brochet sera en activité dans des zones peu profondes et encombrées, alors que le silure préférera des zones plus profondes munies d’un courant (zone type lotique). Ainsi, malgré des proies potentiellement identiques, il n’y a pas de concurrence directe pour l’accès à la nourriture. Même constatation avec le black-bass.
Seule une concurrence pour l’accès à la nourriture pourrait être révélée entre le sandre et le silure. En effet, leur période de chasse, zone de chasse et proies sont identiques. Cependant, les plus gros silures peuvent se permettre des proies de taille importante, inaccessibles pour le sandre. Mais, pour concevoir une réelle concurrence qui nuirait à la survie d’une des deux espèces, il faudrait une ressource en poisson fourrage limitée ce qui n’est pas le cas dans nos lacs et rivières français. Ne pas oublier qu’en hiver, le silure est complètement inactif. Le sandre a donc toute une réserve de nourriture qui lui est destinée.
Conclusion
Ainsi, la croissance rapide du silure dans les eaux françaises s’explique par une niche écologique disponible pour ce carnassier. Le silure a pu se développer très rapidement sans spéciale concurrence avec les autres espèces. En effet, il a utilisé les ressources du milieu encore non exploitées.
Alimentation du silure et conséquences
Étudions désormais le régime alimentaire du silure. Que mange-t-il ? Quelle quantité ? Quelles sont les conséquences ? Je vous propose de partir d’un commentaire sous le sondage pour ensuite lui apporter une réponse nuancée : “Il deviendra nuisible bien sûr. Il bouffe tout, même les canards. C’est une catastrophe écologique il n’a rien à faire dans nos eaux”.
Un carnassier opportuniste
Le silure est un poisson opportuniste. En effet, pour limiter ses dépenses d’énergie, il s’attaque aux proies les plus accessibles. En effet, le silure ne se nourrit pas essentiellement de poissons. Il peut s’attaquer à des petits mammifères (rats), oiseaux (canards), reptiles (serpents), crustacés (écrevisses) ou encore batraciens (grenouilles). Voici pour soutenir mes propos un tableau récapitulatif de fouilles stomacales après capture des silures. Tableau issu de l’étude du silure sur la Dordogne :
Grâce à ce tableau, on s’aperçoit que les proies sont nombreuses et diversifiées. En effet, après les fouilles stomacales, on a recensé 4 espèces de migrateurs, 7 espèces de cyprinidés, des crustacés, des mollusques, et d’autres proies non identifiées. Ainsi, au total 16 espèces ont été retrouvées dans l’estomac des silures.
Grande capacité d’adaptation
Ce carnassier n’est pas cantonné à ne consommer que des poissons mais peut élargir son régime alimentaire. Voici en vidéo, un exemple parfait qui prouve la grande capacité d’adaptation du silure dans les milieux où il a été introduit.
Attention, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le silure en s’alimentant ne “vide” pas nos rivières et plans d’eau. Voici quelques chiffres issus de la thèse de Mathieu Guillaume:
- Le consommation journalière du silure est de 1,5% de son poids vif. Ainsi, sur une année, il aura consommé entre 177 et 297% du poids total. Contrairement à un cormoran adulte qui ingurgite 500 grammes de poissons par jour !
- Dans la plupart des cas, lorsque le silure s’attaque à des grosses proies, elles ne font en général pas plus de 10% de la longueur du silure. Contrairement au brochet qui peut s’attaquer à des proies qui représentent 20% de son poids, et pouvant mesurer jusqu’à la moitié de sa taille. Ainsi, le silure ne s’attaque pas à des proies démesurées comme nous le laisse penser sa gueule imposante.
- Le processus de digestion chez le silure ne s’active qu’à partir des 10 degrés. Ainsi, en hiver, il s’aliment peu voire pas du tout. Aucune concurrence n’est alors présente laissant champ libre aux autres carnassiers.
Conséquences
Comme on l’a constaté, le silure se tourne vers les proies les plus accessibles et les plus abondantes. Ainsi, le silure aura une prédation importante sur l’espèce la plus développée du milieu. Les espèces peu répandues se verront alors peu menacées par le silure. Le silure a pour rôle de réguler les espèces pour libérer de l’espace dans d’autres niches, favorables au développement d’autres espèces. Cela peut surprendre plus d’une personne mais c’est la réalité.
Par exemple, les écrevisses sont très répandues dans le réservoir de riba roja en Espagne. Elles représentent près de 60% du régime alimentaire des silures. Même constatations pour le Lac du Salagou où la prédation des silures sur l’écrevisse américaine permet de diminuer sa concentration, considérée comme espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques.
Le silure laisse donc la chance à des espèces moins répandues de se développer en régulant les espèces les plus présentes.
Sur les espèces sédentaires
Voici un graphique présentant le nombre de passages dans la passe à poisson Golfech, sur la Garonne, de différentes espèces de poissons de 1993 à 2011. Un graphique tiré de l’étude de Mathieu Guillaume.
Comme ce graphique nous le présente, aucune diminution flagrante des espèces autres que le silure n’est constatée malgré l’introduction de ce nouveau carnassier. Une étude similaire a été menée au niveau de la passe à poissons de Tuilières de 1993 à 2011. Force est de constater qu’aucune diminution n’a été révélée depuis que le silure est présent. Exceptée une légère diminution de la population de sandre difficile à expliquer. Le silure pourrait être responsable de la délocalisation des sandres par concurrence directe d’où leur absence de passages dans les passes à poissons. En effet, rappelons-le, sandre et silure affectionnent les mêmes zones lors de leur période de chasse, mais également lors de leur période de repos.
“C’est grâce aux silures que nos eaux sont de plus en plus propres”, c’est en partie grâce au silure effectivement. En effet, il peut nettoyer les lacs et rivières des cadavres en décomposition, d’où sa nécrophagie active.
Sur les espèces de migrateurs
Cependant, le silure peut être responsable de la diminution des espèces de migrateurs (lamproie marine, saumon, mulet etc.). C’est le cas à Golfech, dans le Tarn-et-Garonne au niveau d’une passe à poisson assurant la migration du saumon. Grâce à deux caméras installées en amont et en aval de cette passe à poisson, on a pu constater qu’un saumon sur trois est prédaté par les silures. Une véritable menace pour ce salmonidé dont les effectifs sont déjà très faibles.
C’est bien ici que le caractère opportuniste du silure refait surface. Pourquoi le saumon représente-t-il ici une nourriture facile d’accès alors qu’aucune prédation aussi forte n’est constatée en dehors de ces passes à poissons ? Comme dit auparavant, les espèces peu présentes à petit effectif sont peu prédatées par le silure. Si ces passes à poissons n’existaient pas, pensez-vous qu’un saumon sur trois serait prédaté ? Faîtes-moi par de votre réponse dans les commentaires en bas de l’article.
Perspectives de l’espèce
Durant ces dernières années, le silure a colonisé la plupart des fleuves et rivières français, par l’intervention de l’Homme, ou non. Dû à des conditions idéales pour son développement, les populations de silures dans les eaux françaises ont considérablement augmentées. L’aire d’extension du silure augmentera tout de même, mais à un rythme certainement moins rapide. C’est notamment grâce au réchauffement climatique que le silure a pu coloniser les eaux bretonnes en y trouvant une eau suffisamment chaude pour s’y reproduire correctement. Ayant une croissance continue, on constatera chaque année des silures de plus en plus gros mais, le nombre de silures visera à s’uniformiser pour trouver une certaine stabilité.
Par exemple, le cannibalisme chez le silure est assez présent et permet la régulation de l’espèce. La reproduction du brochet se faisant plus tôt dans la saison, les brochetons pourront profiter d’une alimentation en quantité et facile d’accès que représentent les alevins de silures. En effet, lors de la reproduction des silures, les brochetons éclos quelques mois avant pourront bénéficier de cette nourriture abondante. En guise d’exemple, un brocheton de 6 semaines mesure environ 10 cm.
Comme l’annonce Mathieu Guillaume : ” Dans son milieu d’origine le silure cohabite avec des espèces de poissons similaires à celles des eaux françaises”. “Ces eaux sont connues pourtant pour leur richesse en poisson que ce soit en densité ou en diversité d’espèces.”
Pour conclure
Bien entendu, en introduisant une espèce non présente naturellement, l’équilibre de l’écosystème sera perturbé. Cependant, aucun impact néfaste sur l’équilibre des eaux françaises n’a été mis en avant.
“Sujet ultra sensible…Tout dépend du milieu où il évolue. Il a sa place. Mais dans certaines conditions il va prélever des sandres, perches, brochets, carpes, anguilles etc.” un internaute. En effet, attention aux petits milieux dont la stabilité est plus fragile. D’autres études seraient nécessaires pour évaluer l’impact du silure dans ces espaces restreints. Introduire le silure dans des petits plans d’eau dont la ressource alimentaire est limitée aurait des conséquences dramatiques. Tant sur les autres espèces présentes que sur l’écosystème en lui-même.
De part sa morphologie et son statut de carnassier, le silure n’est pas passé inaperçu. Qualifié d’ogre des rivières, le silure impressionne et a joué le rôle de bouc-émissaire, responsable du déclin des espèces ou de la pollution des eaux etc. Cependant, aucunes données concrètes n’ont été constatées pour classer le silure comme espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques.
Le silure est désormais présent dans nos eaux françaises, alors il faut le respecter comme tout autre poisson. Le pêcher vous apportera de superbes sensations puisque sa pêche est qualifiée de pêche sportive !
Pensez à laisser un commentaire si vous avez besoin d’une précision ou à l’inverse souhaitez en apporter une, et partager votre expérience ! Attention, cet article n’est pas du tout un article scientifique. Il a pour but de faire une synthèse simple des études menées auparavant pour être comprise par le plus grand nombre.
Une version vidéo est disponible !
Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂
À bientôt !
Est-ce que le silure est le poisson que l’on appelle aussi poisson-chat ?
Bonjour Françoise, non ce sont deux espèces différentes. Le poisson chat est classé nuisible d’après l’Article R432-5 du code de l’environnement 🙂
Au mois de février de cette année, il s’est pris de tres nombreux silures en région parisienne dans la Marne et la Seine. Nous avons pu constater des rassemblements très importants de poissons entre 80cm et 1m70. Tous les sujets attrapés etaient gavés de poissons blancs (de 5 a 20 cm). Les silures vomissaient litteralement de grosses quantités de poissons fourrage et juveniles de perches lors de leur capture, leurs ventres etaient bombés et sphériques, pleins à craquer. Affirmer que ces poissons ne se nourrissent pas pendant plusieurs mois l hiver me semble inexact sur notre territoire. Je sais que beaucoup de pêcheurs ou passionnés de poissons se fascinent pour cette espèce et tentent de relativiser son impact pour justifier la pratique de leur plaisir… Neanmoins nos cours d’ eau n’ayant jamais connu de prédateur plus gros que le brochet depuis des millénaires, voir surgir des predateurs de 2m et plus, capable d’engloutir nos derniers saumons et anguilles est une tragédie évidente.
Attendre des études fiables sur des populations de poissons en grande rivière prendra encore des années, le silure aura gagné du terrain, parfois jusqu’en première categorie comme sur la rivière d’ain (01), ou des sujets sont observés en train de chasser les grosses truites dans leur caches (pierres, racines), là ou elles sont habituellement protégées de leurs predateurs.
Vu la progression de ce poisson en nombre et en taille ces dernières décennies, dire qu il «occupe» une «niche» ecologique est un contresens. Ses caracteristiques morphilogiques lui ont permis de se faire une place dans un univers aquatique fonctionnant sans prédateur de ce type jusqu ‘alors, et dont nous ne pouvons pas prédire l’ampleur des dégâts a long terme. Il faut à tout prix eliminer ce poisson quand c’est possible.
Bonjour Laurent, merci pour votre commentaire. Je vous avoue que je suis surpris par la quantité de proies que vous avez retrouvé dans l’estomac des silures. Avez-vous des photos, un récapitulatif de tous les contenus stomacaux ? Histoire de soutenir ces chiffres ? Outre le fait de retrouver des juvéniles de perches etc dans l’estomac des silures, avez vous recensé une diminution notable de ces espèces dans le milieu ? Qu’en est-il pour les autres carnassiers (brochet, sandre).
Avec le réchauffement climatique, les eaux en première catégorie ont tendance a se réchauffer et convenir d’avantage aux silures. Bien évidemment, comme je l’ai signalé dans l’article, introduire le silure dans des milieux fragiles telles les eaux de 1 ere catégorie, aurait des conséquences catastrophiques sur le milieu. Notamment, avec les observations qu’ont été recensé sur l’Ain ! Dans ces petits milieux, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que le silure n’a pas sa place ! 👍
Bonjour.
“Attendre des études fiables”
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Il y a déjà eu un grand nombre d’études fiables dans beaucoup de cours d’eau d’Europe, la conclusion est toujours la même : le silure a sa propre niche écologique, différenciée de celle du brochet, du sandre et des autres carnassiers, et le silure n’a aucun impact négatif sur les autres poissons d’eau douce. Au contraire, en diminuant la densité de brèmes, carassins et rotengles, il permet à une plus grande biodiversité piscicole de s’exprimer.
Il faut quand même bien prendre en compte le fait que l’icthyofaune indigène des eaux douces françaises (brème commune, brème bordelière, gardon commun, rotengle, tanche, perche, brochet commun, anguille européenne, vandoise, barbeau commun, chevaine, loche franche, vairon, ablette commune, vandoise, etc) est quasiment identique à celle de tous les fleuves d’Europe centrale et orientale où le silure est parfaitement indigène ! Les fleuves d’Europe de l’Ouest ayant cependant une palette (biodiversité) moins riche que les fleuves d’Europe de l’Est. Tous les poissons indigènes chez nous, sont aussi indigènes là bas ! Tous les poissons cités plus haut, sont présents en grande abondance dans le Danube, l’Elbe, le Don et même la Volga, où le silure est indigène !
La bonne adaptation des poissons blancs indigènes français au silure s’explique par le fait que les fleuves d’Europe (sauf en Europe méditerranéenne) ont été quasiment vidés de leur poissons durant les glaciations du Pléistocène. La plupart des poissons d’Europe se sont réfugiés dans le bassin du Danube, de la mer Noire et de la mer Caspienne, qui formaient un grand réseau d’eau douce interconnecté durant le Pléistocène. Ils ont ensuite recolonisé l’ensemble de l’Europe vers l’ouest et le nord au cours de l’Holocène, qui n’a commencé qu’il y à 10000 ans, c’est à dire hier à l’échelle de l’évolution. Le silure a donc coévolué avec toutes les brèmes européennes, le gardon, le rotengle, les ablettes, le chevaine, la vandoise, la grémille, la tanche, le brochet, la perche et le sandre, mais aussi la carpe commune, l’aspe, l’ide, le hotu, et bien d’autres, dans le même refuge glaciaire Ponto-Caspien-Danubien, durant tout le Pleistocène, durant des millions d’années… Tous ces pissons sont donc parfaitement adaptés écologiquement à vivre dans un même hydrosystème où ils ont chacun leur propre niche écologique.
Certains de ces poissons ont su recoloniser d’eux-mêmes les fleuves de l’Atlantique durant l’Holocène, il y a quelques milliers d’années, et nous les considérons donc comme des espèces “indigènes” de nos cours d’eau, alors que les autres ont dû attendre l’aide de l’homme pour recoloniser l’ouest, comme la carpe, le sandre, le hotu, et maintenant le silure et l’aspe, et même les cinq gobies du Danube qui nous arrivent maintenant par les canaux. Et nous considérons donc ces poissons introduits comme “non indigènes” voire un peu vite comme des espèces “exotiques envahissantes”. Mais cette distinction est parfaitement conceptuelle et de peu d’intérêt pour toutes les espèces qui nous intéressent ici, car elles ont toutes la même origine, venant du même écosystème, mais elles ont recolonisé l’Ouest avec seulement quelques milliers d’années d’écart et par des moyens différents.
Sans leur prédateur naturel qui est le silure (pas le sandre et peu le brochet), la brème commune, les carassins et les jeunes carpes prolifèrent, sont véritablement envahissantes, et ont un impact très négatif sur l’écosystème aquatique, malgré que la brème commune soit “indigène”. L’introduction du silure a vraiment rétabli un certain équilibre dans beaucoup d’endroits en France. (Il est d’ailleurs tout fait possible que la brème et le rotengles, voire le barbeau, ne soient pas indigènes en France, mais introduits au Moyen-Age depuis le Rhin ou le Danube en même temps que la carpe et les carassins…).
De plus le silure est “indigène” (recolonisation naturelle durant l’Holocène) dans l’Elbe et le Rhin, où le saumon atlantique et les lamproies étaient autrefois très abondants comme dans les fleuves français, il n’y a donc pas de raison que cela se passe plus mal en France.
L’homme a donc véritablement enrichie la biodiversité aquatique européenne en accélérant le processus de recolonisation de l’Est vers l’Ouest, processus qui était naturellement en cours depuis le début de l’Holocène, et qui n’est pas terminé. Il reste des poissons à l’Est qui attendent encore leur tour pour passer à l’Ouest, mais ils sont peu intéressants du point de vu des pécheurs. Il y a cependant un certains nombre de poissons blancs et autres petits poissons qui pourraient enrichir et diversifier le poisson fourrage pour les carnassiers qui sont déjà tous introduits chez nous, et améliorer l’abondance et la biodiversité de nos écosystèmes aquatiques, car ils n’occupent pas exactement la même niche écologique que les poissons fourrages déjà présents chez nous. Augmenter la diversité du poisson fourrage pourrait améliorer la cohabitation des différents carnassiers en favorisant la différenciation de leurs niches écologiques respectives.
Très bel article, mais il faudrait remplacer le point d’ exclamation du titre par un point d’ interrogation. Merci pour votre travail.
Merci pour votre commentaire. Je suis content que l’article vous plaise !
Bravo pour cet article.
1 remarque et une question:
-Non le brochet n’a pas d’activité prédatrice toute l’année ; en période de fraie il ne se nourrit pas et ceci sur une période de 3 semaines environ ( selon la température de l’eau fin février, début mars); après il se rattrape !
-avez vous des idées nouvelles sur les raisons des rassemblements en boule des silures fin automne ; il semblerait qu’il y ait une espèce de tri génétique éliminant les individus de caractéristiques géniques différents.
Merci
Bonjour Marc, merci pour votre commentaire.
Effectivement, en période de frai les brochets ne se nourrissent pas ! Mais honnêtement, 3 semaines de non-alimentation du brochet sur toute une année, c’est assez négligeable.
Concernant le regroupement de silures, l’étude sur la Dordogne à mis en lumière ces regroupements qui demandent une dépense d’énergie non négligeable. Cependant, d’après leurs recherches, aucunes justifications ne peuvent être apportées. Peut-être y a-t-il eu d’autres données depuis cette étude, mais à ma connaissance il ne me semble pas. 👍